Le projet DinLang

Les dîners familiaux jouent un rôle majeur dans la construction identitaire des enfants et font partie intégrante de leur patrimoine culturel. Ce sont des moments de la vie quotidienne d’une grande richesse où il est question de goûts, de saveurs, d’odeurs à propos desquels on échange avec des mots, des regards, des gestes, des mimiques, le toucher, en étant imprégné de multiples émotions, joie, plaisir, colère, tristesse…
Ces moments sont d’autant plus essentiels pour l’enfant que c’est dans ce cadre que sont transmises des pratiques sociales liées à la nourriture d’une part, et aux interactions entre plusieurs personnes d’autre part. En France, le dîner commensal a prototypiquement la particularité d’être très structuré tant sur les plans temporel, spatial que social. Il réunit parents et enfants autour d’une même table et est segmenté en plusieurs temps – le plus souvent, entrée, plat, fromage, fruit ou dessert – auxquels tout le monde participe de façon synchrone : dès lors que la règle implicite ou explicite transmise est respectée, on s’attend en effet mutuellement pour passer à l’étape suivante.
Ainsi, grâce aux discussions autour du plaisir de manger, du goût des aliments, de leur qualité ou de la préparation des repas, les dîners contribuent-ils à développer les goûts, les savoirs et les savoir-faire alimentaires des enfants, qui apprennent par ailleurs à coordonner harmonieusement leurs échanges avec les autres personnes présentes autour de la table, en l’occurrence parents et fratrie.

Pour les chercheurs, ces dîners constituent donc un moment idéal pour observer et analyser la manière dont les représentations, les pratiques, les informations liées à l’alimentation de l’enfant passent d’une génération à une autre, et comment les enfants, du fait de la récurrence de ces « rituels » hautement symboliques, intègrent cet héritage culturel. L’identité de la famille et de chacun de ses membres se construit en effet à travers ces gestes et pratiques, qui, malgré leur schéma répétitif sont aussi en constante évolution.
En analysant plus finement les séquences d’interactions et d’actions filmées pendant ces dîners familiaux, nos équipes mettront en lumière la diversité des processus de transmission-appropriation des pratiques sociales rencontrés, en particulier des règles du repas, des manières de manger, de parler, de se comporter…

Cette recherche permettra de développer des outils conceptuels pour comprendre comment les enfants apprennent petit à petit à utiliser leurs corps (bouche, yeux, visage, mains, bras…) afin d’exprimer ce qui est perceptible dans l’ici et maintenant (proximal) et aussi ce qui est absent ou hautement subjectif (distal), des souvenirs, des projets, des rêves, des points de vues, des créations sorties tout droit de l’imagination…