Depuis la moitié des années 70, les théoriciens partagent l’idée que les enfants apprennent le langage lors de communications dyadiques certes, mais aussi dans le cadre d’interactions multipartites (Ochs & Schieffelin, 1984). En plus d’être une forme d’action sociale, le langage est un mode d’expérience du monde (Duranti, 2011, 2015 ; Ochs, 2012). A ce titre, en France, le repas du soir se présente comme un excellent lieu d’étude du rôle des interactions multipartites – en l’occurrence, entre parents et enfants – sur le développement du langage, les pratiques alimentaires et la socialisation des enfants.
La socialisation langagière stipule que le langage est un outil majeur pour inculquer et transformer la compétence socioculturelle tout au long de la vie (Ochs, 1988 ; Ochs & Schieffelin, 1984 ; Schieffelin & Ochs, 1986). Il s’agit d’analyser comment et pourquoi les jeunes enfants apprennent les compétences communicationnelles nécessaires pour « habiter » leurs identités culturelles par le biais du langage dans des activités particulières.
Notre cadre théorique intégratif combine de fait socialisation langagière, grammaire cognitive, approches interactionnelles et multimodales du langage et approche anthropologique de l’alimentation. Nous utilisons le terme « languaging » pour faire écho à l’utilisation multimodale du langage (Linell, 2009) et l’élargissons pour inclure parole, signes, gestuelle et actions.
Les repas familiaux n’ont en effet jamais été étudiés de manière approfondie en langue des signes, et encore moins dans des environnements bimodaux ou dans des cultures différentes, avec des cadres participatifs qui se chevauchent, des voix et des ressources sémiotiques qui s’entremêlent, se coordonnent, s’ajustent tout au long du dîner. Le projet Dinlang nous offre ainsi l’opportunité de réviser, généraliser, élargir et appliquer notre cadre théorique à des données écologiques multipartites, multimodales et multilingues.
Coordinateurs : Camille Debras, Charlotte Danino et les responsables du projet